Des magazines aux affiches publicitaires, la photographie de mode est omniprésente dans notre société. Ce genre photographique se retrouve même dans les galeries d’art et les musées (Voir le site du Musée de la mode de la Ville de Paris).
La consécration de ce genre photographique s’est faite de manière progressive. Au début marginale, la photographie de mode s’est développée grâce à la multiplication des magazines de mode et des maisons de coutures. Cela a permis aux photographes spécialisés de s’affirmer tout au long du XXe siècle. De nos jours, la photo de mode a acquis ses lettres de noblesse.
De l’invention de la photographie à nos jours, la photo de mode a évolué. En effet, sous les directives des photographes et des directeurs artistiques de magazines de mode, la fashion photography n’a cessé de se renouveler.
Les photos de mode sont notamment orchestrées en fonction des problématiques sociales contemporaines. Elles représentent dès lors les préoccupations traversant la société à un moment donné. Cet état de fait s’explique par l’exposition dont bénéficient les photos de mode. Ayant d’abord pour but de vendre un produit, la photographie de mode se doit de refléter les aspirations sociétales afin de faire adhérer le public à la marque mise en avant.
Ainsi, la photographie de mode est un genre photographique à part. Son caractère commercial en fait une discipline fortement ancrée dans son époque. La réalisation de ces photos est également particulièrement esthétique. En effet, les photographes de mode parviennent généralement à imposer un style qui leur est propre et ainsi révéler une vision artistique du monde. Dès lors les photographies de mode peuvent prétendre au statut d’œuvre d’art.
La photographie de mode est un genre photographique apparu dès l’invention de la photographie au XIXe siècle. Il s’agit de saisir par la photographie des vêtements ou des accessoires de beautés. Ces derniers sont portés par des mannequins ou des personnalités qui les mettent en avant.
La notion de « mode » correspond à la manière de s’habiller dans un endroit précis, à une époque donnée. Elle renvoie à tous les mouvements vestimentaires qui sont par nature changeants. Les photographies de mode capturent ces états et soulignent les tendances vestimentaires adoptées par une société à un moment donné. En réalité, les photos de mode montrent généralement l’avant-garde de la mode. Ce sont des photographies qui mettent en avant les nouvelles tendances à adopter, choisies par les maisons de coutures.
La photographie de mode est un genre photographique particulier puisqu’il a une vocation commerciale. En effet, une photographie de mode a pour objectif de mettre en avant un produit fashion afin d’encourager sa vente. Par des mises en scène originales et en faisant intervenir des modèles ou des stars, ces photos doivent donner envie au public d’acheter un article. Il ne s’agit donc pas simplement de photographies prises dans le cadre d’un projet artistique. Ces photographies doivent répondre à un impératif commercial. Si le produit ne se vends pas correctement, la photographie n’a pas atteint son but.
Toutefois, cela n’empêche pas les photographes de s’exprimer artistiquement et de raconter des histoires dans leurs photographies.
La photographie de mode est un genre photographique particulier dont l’histoire est étroitement liée au développement des magazines de mode.
Dès l’invention de la photographie, des néophytes ont commencé à saisir des femmes revêtues de leurs plus beaux atours. Toutefois, ce genre photographique resta marginal et ne connut pas une forte exposition dans les premiers temps. A la fin du XIXe siècle, les premiers magazines de mode tels que Vogue ou Harper’s Bazar apparaissent. Toutefois, ces magazines aux contenus assez larges, favorisent d’abord les illustrations de mode.
Avec le développement de ces magazines au début du XXe siècle et leur spécialisation dans le domaine de la mode, la photographie commence à y faire son apparition. L’essor des magazines de mode fut notamment orchestré par Condé Nast qui racheta Vogue en 1909 et lança les versions anglaises (1916) et françaises (1921) de ce magazine. Il lança également Vanity Fair en 1913 et racheta dans les années 1930 le magazine français Jardin des Modes . Ce dernier fut une référence dans le domaine de la mode jusqu’à sa disparition en 1997.
A cette époque émergent des photographes qui parviennent à s’imposer comme les grands noms de la photographie de mode. Adolf de MEYER (1868-1946) et plus particulièrement Edward STEICHEN (1879-1973) sont retenus comme les premiers.
Steichen qualifia ses photographies réalisées en 1911, des robes de Paul Poiret pour Art et Décoration, comme « les premières photographies de mode ». En 1923 il devient le directeur de la photographie du groupe Condé Nast. Il impulsa une vision moderne de la photographie influencée par le mouvement Art Deco. Il intègre la lumière artificielle dans ses mises en scène et s’imposa comme l’un des premiers célèbres photographes de mode.
Adolf MEYER est lui le premier photographe sous contrat de Vogue en 1913. Son style est marqué par des photographies lumineuses, réalisées en studio et mettant en scène des mannequins dans des décors élégants. En 1922, il devient le photographe en chef de Harper’s Bazar.
Dans les années 1920 et 1930, la photographie de mode est influencée par les courants artistiques en vogue comme le surréalisme. Ainsi, la créatrice de mode Elsa Schiaparelli travailla avec Dali et les photographies de Man Ray (1890-1976) se retrouvèrent dans les magazines de mode. Ce dernier est connu pour son style décalé, théâtrale et avant-gardiste. Il influença de nombreux photographes tels que George HOYNINGEN-HUENE (1900-1968) qui intègre Vogue Paris en 1926 après avoir été illustrateur pour Condé Nast. Ce dernier s’inspira des modèles antiques pour ses compositions et proposa des mises en scène raffinées.
En 1923, 15% des illustrations publicitaires des magazines sont des photographies, contre 80% en 1933. L’essor de ce genre photographique coïncide avec l’apparition des appareils portables. Ces derniers permettaient des photographies naturelles, réalistes, prises en décors extérieurs. Les photographies de Erwin BLUMENFELD (1897-1969), prises sur les poutres de la Tour Eiffel, sont représentatives de ce mouvement. Ces photos sont publiées en mai 1933.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les éditions anglaises et américaines de Vogue continuent de paraître, contrairement à l’édition française. Cecil BEATON photographie même pour Vogue UK en 1941, un modèle défilant dans les ruines de Londres avec pour légende : « Fashion is indestructible ».
Suite à la Seconde Guerre mondiale, la haute couture française revient sur le devant de la scène. Les acteurs de ce renouveau sont les couturiers émergeants comme Christian Dior et son « New Look », portés par de nouveaux photographes comme Irving PENN (1917-2009). La mode d’après-guerre est alors voluptueuse, élégante et colorée.
Dans les années 1950, la photographie de mode prend un nouveau tournant. Les photographes se sentent plus libres et veulent représenter une femme moderne. Pour cela, ils explorent les rues et n’hésitent pas à provoquer. Le travail de Richard AVEDON (1923-2004) est représentatif de cette période. Ses photographies de mode humoristiques et spectaculaires sont décalées. Il propose des mises en scène surréalistes qui frappent et amusent les spectateurs.
Dans les années 1960, la mode change, la photographie de mode suit. La haute couture est en déclin au profit du prêt à porter abordable. La photographie de mode se rends alors plus accessible et simple.
Dans les années 1970, Helmult NEWTON (1920-2004) et Guy BOURDIN (1928-1991) proposent une nouvelle forme de photographie de mode en allant explorer la sexualité et la provocation. Ils photographient dès lors des femmes sensuelles dans des mises en scènes parfois exubérantes.
A partir des années 1980, l’explosion de la publicité et la montée en puissance des marques transforment le monde de la mode. En effet, ce sont elles qui vont désormais modeler les photos de mode et choisir des mises en scène servant leurs ventes. Les directeurs artistiques des agences publicitaires orchestrent alors les campagnes photographiques. Les photos de mode doivent dès lors représenter la société et refléter les bouleversements sociétaux pour s’adhérer le plus de clients.
Depuis les années 1990, les rédacteurs et rédactrices en chef des magazines de mode se sont imposés comme des personnages incontournables. Ce sont eux qui ont désormais l’influence nécessaire pour valider ou écarter des collections et imposer de nouveaux photographes. Ainsi, Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue USA depuis 1988, a notamment favorisé l’émergence de Patrick DEMARCHELIER et de Peter LINDBERGH (1944-2019). Ce dernier est souvent présenté comme un des meilleurs photographes de mode du monde. Ses photographies aux mises en scènes simples, sont humanistes et valorisent la beauté naturelle.
De même, Mario TESTINO a hissé le style « porno chic » au sommet de la photographie de mode par sa collaboration avec Carine Roitfeld, alors rédactrice en chef de Vogue Paris.
Les premières photographies de mode en couleur, parues dans un magazine, datent de 1911. Il s’agit de deux photographies d’Edward STEICHEN (1879-1973), illustrant un article sur le créateur de mode Paul Poiret.
Toutefois, malgré l’invention de la photographie couleur et de sa démocratisation à la fin du XIXe siècle, la majorité des photographes de mode travaillaient en noir et banc.
Bien que la photo de mode en couleur se développa tout au long du XXe siècle, la photographie en noir et blanc continua d’être adoptée par de nombreux photographes. De nos jours, certains photographes comme Mario SORRENTI jonglent toujours entre la photo monochrome et la photo couleur. En effet, le caractère monochrome d’une photographie la rend intemporelle tout en recentrant la vision sur le modèle photographié. Il permet notamment de mettre en avant le grain de la peau des modèles et d’instaurer une proximité plus grande avec le spectateur.
Toutefois, la photo monochrome a des limites puisqu’elle ne permet pas de mettre en avant les couleurs des vêtements.
Au départ limitée à une vocation commerciale, la photographie de mode a acquis ses lettres de noblesse et se retrouve aujourd’hui dans les musées et galeries d’art. Une photographie de mode, à l’origine prise pour vendre un produit, peut donc être considérée comme une œuvre d’art. Cette consécration est due à plusieurs facteurs. Il faut que le photographe ait acquis une renommée importante et que la photographie soit iconique.
Le caractère iconique d’une photographie peut venir de sa valeur historique. En effet, les premières photographies de mode, faites par des pionniers comme Adolf de MEYER (1868-1946), ont une valeur inestimable. Il s’agit des prémices de ce genre photographique qui a connu un essor progressif.
Il peut également venir du caractère subversif de la photographie de mode. En effet, les photos de mode ont pour but de vendre un produit. Les photographes décident donc généralement de représenter les tendances sociales du moment afin de faire adhérer le public à l’image de la marque.
Ils peuvent toutefois choisir une mise en scène allant à l’encontre des attentes sociales. Cela permet alors à la photographie de se différencier et de faire parler d’elle. Les photographes peuvent également choisir la provocation afin de susciter la réflexion ou d’exprimer une opinion. Ces photographies provocantes deviennent alors iconiques.
De même, bien que le principe de la photographie de mode soit commercial, les photographes ont le loisir d’exprimer une vision artistique. Ainsi, une photographie peut devenir iconique en raison de sa forte identité visuelle et de sa puissance esthétique. Ces photographies artistiques révolutionnent en permanence la photographie de mode. En racontant des histoires dans leurs mises en scène, les photographes de mode permettent à leurs photos d’accéder au statut d’œuvre d’art.
Les mannequins ont pour objectif de valoriser le produit photographié. En le portant, en l’exhibant et en le soulignant, ils doivent le mettre en avant.
Les modèles choisis sont généralement des mannequins ou bien des personnalités connues. Ces dernières interviennent lorsqu’elles sont les égéries d’une marque ou d’un produit. Elles doivent dès lors se mettre en scène afin de donner une meilleure visibilité à la campagne en cours.
Lisa Fonssagrives (1911-1992) est souvent citée comme la première mannequin de photo de mode de l’histoire. Durant les années 1930 les grands magazines et photographes de mode s’attachent ses services. Ses collaborations les plus célèbres restent celles réalisées avec Avedon, Parkinson ou encore avec Irving Penn, son époux.
Au milieu des années 80, la place des mannequins dans l’univers de la mode est bouleversée par l’arrivée des Supermodels. En effet, un groupe de mannequins composé de Christy Turlington, Linda Evangelista et Naomi Campbell acquis une popularité sans précédent qui fit d’elles des icones. A ce groupe nommé The Trinity s’agrégea rapidement d’autres modèles comme Claudia Schiffer, Tatjana Patitz et Cindy Crawford. A ce Big Six central s’ajouta par moment Stephanie Seymour ou Kate Moss. Ces supermodels dominaient alors les couvertures de magazines et les séances photos.
La nouveauté fut que ces modèles étaient pratiquement plus connus que les produits de mode pour lesquels elles posaient. Elles avaient acquis une telle renommée, que leur seule présence sur une photographie de mode, donnait une visibilité internationale au vêtement photographié. Leurs poses atteignaient alors des prix encore jamais atteints.
Plusieurs photographes comme Steven MEISEL ou Peter LINDBERGH (1944-2019) furent les artisans de ce succès.
Ce phénomène s’estompa à la fin des années 90. En effet, les nouveaux modèles mis en avant avaient un style plus réservé et minimaliste. Toutefois, la starification des mannequins perdura. Depuis, les modèles ont acquis le statut de star et les maisons de coutures s’arrachent leurs présences dans leurs campagnes.
Au-delà de leur force commerciale, c’est l’influence des mannequins et des créateurs de mode sur le public qui s’est renforcée ces dernières années. En représentant un idéal esthétique, le corps des modèles est souvent vu comme un absolu à atteindre. La photographie de mode en est l’expression populaire.