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Histoire de la photo de mode

La photographie de mode est un genre photographique particulier dont l’histoire est étroitement liée au développement des magazines de mode.

Dès l’invention de la photographie, des néophytes ont commencé à saisir des femmes revêtues de leurs plus beaux atours. Toutefois, ce genre photographique resta marginal et ne connut pas une forte exposition dans les premiers temps. A la fin du XIXe siècle, les premiers magazines de mode tels que Vogue ou Harper’s Bazar apparaissent. Toutefois, ces magazines aux contenus assez larges, favorisent d’abord les illustrations de mode.

Couverture du premier numéro de Vogue, 1892
Illustration du supplément d’Harper’s Bazar, 1867

Avec le développement de ces magazines au début du XXe siècle et leur spécialisation dans le domaine de la mode, la photographie commence à y faire son apparition. L’essor des magazines de mode fut notamment orchestré par Condé Nast qui racheta Vogue en 1909 et lança les versions anglaises (1916) et françaises (1921) de ce magazine. Il lança également Vanity Fair en 1913 et racheta dans les années 1930 le magazine français Jardin des Modes . Ce dernier fut une référence dans le domaine de la mode jusqu’à sa disparition en 1997.
A cette époque émergent des photographes qui parviennent à s’imposer comme les grands noms de la photographie de mode. Adolf de MEYER (1868-1946) et plus particulièrement Edward STEICHEN (1879-1973) sont retenus comme les premiers.
Steichen qualifia ses photographies réalisées en 1911, des robes de Paul Poiret pour Art et Décoration, comme « les premières photographies de mode ». En 1923 il devient le directeur de la photographie du groupe Condé Nast. Il impulsa une vision moderne de la photographie influencée par le mouvement Art Deco. Il intègre la lumière artificielle dans ses mises en scène et s’imposa comme l’un des premiers célèbres photographes de mode.

Edward STEICHEN, robes de Paul Poiret, 1911
Edward STEICHEN, robes de Paul Poiret, 1911

Adolf MEYER est lui le premier photographe sous contrat de Vogue en 1913. Son style est marqué par des photographies lumineuses, réalisées en studio et mettant en scène des mannequins dans des décors élégants. En 1922, il devient le photographe en chef de Harper’s Bazar.

Dans les années 1920 et 1930, la photographie de mode est influencée par les courants artistiques en vogue comme le surréalisme. Ainsi, la créatrice de mode Elsa Schiaparelli travailla avec Dali et les photographies de Man Ray (1890-1976) se retrouvèrent dans les magazines de mode. Ce dernier est connu pour son style décalé, théâtrale et avant-gardiste. Il influença de nombreux photographes tels que George HOYNINGEN-HUENE (1900-1968) qui intègre Vogue Paris en 1926 après avoir été illustrateur pour Condé Nast. Ce dernier s’inspira des modèles antiques pour ses compositions et proposa des mises en scène raffinées.

Man Ray, Le violon d’Ingres, 1924
George HOYNINGEN-HUENE, Plongeurs. Horst et un mannequin, 1930

En 1923, 15% des illustrations publicitaires des magazines sont des photographies, contre 80% en 1933. L’essor de ce genre photographique coïncide avec l’apparition des appareils portables. Ces derniers permettaient des photographies naturelles, réalistes, prises en décors extérieurs. Les photographies de Erwin BLUMENFELD (1897-1969), prises sur les poutres de la Tour Eiffel, sont représentatives de ce mouvement. Ces photos sont publiées en mai 1933.

Erwin BLUMENFELD, Lisa Fonssagrives sur la Tour Eiffel Paris, 1939

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les éditions anglaises et américaines de Vogue continuent de paraître, contrairement à l’édition française. Cecil BEATON photographie même pour Vogue UK en 1941, un modèle défilant dans les ruines de Londres avec pour légende : « Fashion is indestructible ».

Cecil BEATON, Fashion is indestructible, 1941

Suite à la Seconde Guerre mondiale, la haute couture française revient sur le devant de la scène. Les acteurs de ce renouveau sont les couturiers émergeants comme Christian Dior et son « New Look  », portés par de nouveaux photographes comme Irving PENN (1917-2009). La mode d’après-guerre est alors voluptueuse, élégante et colorée.
Dans les années 1950, la photographie de mode prend un nouveau tournant. Les photographes se sentent plus libres et veulent représenter une femme moderne. Pour cela, ils explorent les rues et n’hésitent pas à provoquer. Le travail de Richard AVEDON (1923-2004) est représentatif de cette période. Ses photographies de mode humoristiques et spectaculaires sont décalées. Il propose des mises en scène surréalistes qui frappent et amusent les spectateurs.

Richard AVEDON, Dovima et les éléphants, 1955

Dans les années 1960, la mode change, la photographie de mode suit. La haute couture est en déclin au profit du prêt à porter abordable. La photographie de mode se rends alors plus accessible et simple.
Dans les années 1970, Helmult NEWTON (1920-2004) et Guy BOURDIN (1928-1991) proposent une nouvelle forme de photographie de mode en allant explorer la sexualité et la provocation. Ils photographient dès lors des femmes sensuelles dans des mises en scènes parfois exubérantes.

Helmult NEWTON, Le Smoking, 1975 : premier smoking pour femme, par YSL (1966).

A partir des années 1980, l’explosion de la publicité et la montée en puissance des marques transforment le monde de la mode. En effet, ce sont elles qui vont désormais modeler les photos de mode et choisir des mises en scène servant leurs ventes. Les directeurs artistiques des agences publicitaires orchestrent alors les campagnes photographiques. Les photos de mode doivent dès lors représenter la société et refléter les bouleversements sociétaux pour s’adhérer le plus de clients.

Depuis les années 1990, les rédacteurs et rédactrices en chef des magazines de mode se sont imposés comme des personnages incontournables. Ce sont eux qui ont désormais l’influence nécessaire pour valider ou écarter des collections et imposer de nouveaux photographes. Ainsi, Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue USA depuis 1988, a notamment favorisé l’émergence de Patrick DEMARCHELIER et de Peter LINDBERGH (1944-2019). Ce dernier est souvent présenté comme un des meilleurs photographes de mode du monde. Ses photographies aux mises en scènes simples, sont humanistes et valorisent la beauté naturelle.

Peter LINDBERGH, Kate Moss, 1994
Peter LINDBERGH, White Shirts, 1988

De même, Mario TESTINO a hissé le style « porno chic » au sommet de la photographie de mode par sa collaboration avec Carine Roitfeld, alors rédactrice en chef de Vogue Paris.

Mario TESTINO, Gisele Bundchen, 2015