Le Photochrome était très populaire autour des années 1890. Alors que la photographie en vraie couleurs ait été déjà développée pour la première fois, elle était encore peu pratiquée sur le plan commercial. Le procédé a remporté une médaille d’or à l’Exposition Universelle de Paris en 1889. Ainsi qu’il a été exporté aux États-Unis via la Detroit Publishing Company en 1897. Celle-ci produisait jusqu’à sept millions de tirages photochromiques au cours de certaines années et proposait dix à trente mille vues différentes. Au début du XXe siècle, les photochromes se vendaient énormément dans les sites touristiques, notamment au Moyen-Orient qui fascinait les Européens. Les thématiques abordées, le plus souvent, étaient de grands monuments, des paysages, des événements notables et la vie quotidienne exotiques.
Au XIXe siècle, avec l’ouverture de l’Empire Ottoman, la Palestine, conjuguée à l’invention de la photographie, suscitait un enthousiasme considérable des Européens. Car, pour eux, la Palestine était considérée comme un paradis retrouvé. La reconnaissance du pays a déjà commencé à partir de la campagne d’Égypte de Bonaparte (1798-1801). Les scientifiques accompagnés s’y sont plongés pour compléter la 1ère cartographie de la province. D’ailleurs, les récits sur ce territoire ont été établis notamment par François-René de Châteaubriand (1768-1848). Bon nombre de touristes européens et les photographes « voyageurs » affluaient tout naturellement en Palestine. Ceux-ci, au premier rang, étaient d’abord mandatés par des institutions ou des organisations scientifiques. Leur objectif ne reposait pas sur la restitution du réel tel que le pays se présentait mais sur l’établissement des images très présentes dans l’imaginaire des Occidentaux sur la Palestine. Ils accomplissaient leur travail avec autant de passions afin de témoigner d’une réalité palestinienne risquée de disparaître devant une massive influence de l’Occident malgré les conditions pénibles et dangereuses en Palestine.
Les photographes arméniens réalisaient des prises de vue sur tous les paysages du Moyen-Orient, de Constantinople au Caire. Ils transmettaient une chronique de la société orientale du XIXe siècle à travers leurs clichés. Au départ, cette pratique s’est généralisée au sein des monastères, par exemple, les moines Garabédian et Krikorian au monastère Saint-James de Jérusalem, les Guiragossian ou Sarafian de Beyrouth et Halladjian d’Haïffa. Les plus célèbres photographes arméniens au XIXe siècle étaient les trois frères Abdullah, Hovsep (1830-1908), Viçen (1820-1902) et Kevork (1839-1918). Ils ont géré un studio, racheté à un chimiste allemand en 1858, sous le nom d’« Abdullah Frères ».
D’autres studios de photographie existaient à Jérusalem dans le quartier arménien. Un des plus importants est le studio Elia Photo Service (Famille Kahvedjian) qui existe depuis 1924. Le studio gère les photos prises par Elia Kahvedjian (1910-1999) mais aussi celles d’autres photographes célèbres. Certaines photographies datent de 1860. Toutes les photographies du studio servent de témoignage historique sur Jérusalem et ses alentours.
En Europe, l’admiration vers l’Orient était entretenue et amplifiée par ces milliers de photographies venues de Palestine qui se vendaient à l’unité ou en album, mais se diffusaient aussi dans des revues comme l’Illustration (1843-1944) ou Le Tour du monde (1860-1914). Plus le standard de qualité était élevé de la part d’une nouvelle clientèle de touristes, plus on avait forte envie d’avoir les photographies en couleurs. Dans des années 1880, le Photochrome est enfin né pour satisfaire ces demandes.