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La photographie de paysages aux États-Unis

La photographie de paysages aux États-Unis occupe une place à part, elle a été et reste la discipline reine dans les clubs de photographie. Il s’agit d’une pratique majeure, bien plus répandue qu’en Europe où elle a longtemps été délaissée. Ainsi, ce n’est pas un hasard si spontanément les noms de grands paysagistes tels qu’Ansel ADAMS, Minor WHITE et Brett WESTON viennent à l’esprit des amateurs américains ; tandis que le public français aura plutôt tendance à avoir en tête des photographies de rue, avec les noms de Robert DOISNEAU, Henri CARTIER-BRESSON ou de Willy RONIS. Ce tropisme du paysage dans la photographie américaine est le point d’ancrage d’un pan entier de la photographie et trouve son origine dans les racines même de cette nation.

Mitch DOBROWNER, Tse Bit Al, Shiprock, New Mexico, 2008

Notons d’abord, comme l’explique l’historien François BRUNET, que la photographie de paysage se développe avec la diffusion aux États-Unis du procédé au collodion sur verre (1856-1857). Nous sommes alors en pleine conquête de l’Ouest, long processus de colonisation qui commence au début du XIXe. On retient en général l’achat de la Louisiane à la France en 1803 comme date de départ, et l’année 1890, avec le massacre de Wounded Knee, comme date de fin. Cette période est marquée par divers événements historiques : les ruées vers l’or (1848-1855 et 1858-1862) ; la Guerre de Sécession (1861-1865) ou encore la batailles de Little Bighorn (1876). Autant d’éléments qui, avec la figure du Cow-Boy, vont forger l’identité des États-Unis. Les premières photographies des paysages de l’Ouest et la constitution de la nation américaine interviennent simultanément et soulèvent la question du territoire et de ses limites, elles sont donc étroitement liées.

Brett WESTON, Untitled (Snow covered mountains), 1973

Outre la conquête de l’Ouest, les États-Unis forment une nation jeune et dynamique qui prend à bras le corps les innovations des différentes révolutions industrielles. Le chemin de fer et le télégraphe permettent de relier les territoires les plus éloignés. Dans le sillage des voies ferrées la photographie capture les grands espaces américains. Les valeurs démocratiques que lui attribuent François ARAGO (1786-1853) dès 1839, à travers sa défense du daguerréotype, (voir : Anne McCAULEY, L’invention de la photographie et le politique, 1997) trouvent un formidable écho aux États-Unis. Ce lien entre démocratie et photographie est basé sur l’utopie d’un art pour tous et par tous. Le daguerréotype, et à travers lui la photographie, est considéré par le penseur américain Ralph Waldo EMERSON (1803-1882) comme « La vraie peinture républicaine », qui selon lui amène une esthétique du quotidien et une éthique du regard ordinaire (voir : François BRUNET, La naissance de l’idée de photographie, 2012). Nous observons donc un triple lien entre la photographie, la démocratie américaine et l’Ouest américain.

Afin d’appréhender ce statut à part du paysage l’exposition s’articule autour de trois thèmes majeurs dans la photographie de paysages aux États-Unis. Tout d’abord son lien avec l’idée de pionniers et d’aventure, passant par la mise en place d’expéditions audacieuses ou exploration et exploit se rencontrent. Une fois l’espace conquis, il s’agit de le défendre et de le préserver. La photographie de paysage participe à la prise de conscience écologique et à l’idée de merveilles naturelles. Enfin, au-dessus des étendues de l’Ouest pèse le ciel, en interaction avec la terre, omniprésent dans la photographie de paysage et devenant parfois à son tour sujet.

Saguaro and Storm

Saguaro and Storm

Mitch DOBROWNER - 2017
Arizona Cactus

Arizona Cactus

Brett WESTON - 1963
Monument Valley, Arizona

Monument Valley, Arizona

Ansel ADAMS - 1958
Monument Valley

Monument Valley

Brett WESTON - c. 1970
Monument Valley

Monument Valley

Mitch DOBROWNER - 2013
Dunes, Oceano

Dunes, Oceano

Edward WESTON - 1936
Mural of Moonrise, Hernandez

Mural of Moonrise, Hernandez

Ansel ADAMS - 1941
Mendenhall Glacier

Mendenhall Glacier

Brett WESTON - 1973

Une aventure photographique

Les photographies de l’Ouest américain sont dans un premier temps le fruit d’expéditions à visées scientifiques. Le matériel photographique, alors lourd et encombrant, est difficile à transporter dans ces espaces reculés. Il s’agit alors de participer à des expéditions employant de nombreux spécialistes : cartographes, géologues, scientifiques divers et explorateurs. La photographie devait alors permettre d’enregistrer les lieux et n’étaient pas considérée comme un outil artistique. Cependant, ces expéditions offrirent des images impressionnante et inédites de l’Ouest qui acquirent par la suite le statut d’œuvres d’art. C’est cette acceptation, donnée par des photographes comme Ansel ADAMS ou des curateurs comme Beaumont NEWHALL, qui perdure actuellement. Les expéditions du XIXe siècle impliquaient des risques importants, partir photographier ces contrés reculées avait tout d’une aventure. Cette dimension persiste dans les projets photographiques contemporains impliquant des prises de risques et la nécessité de mettre en place des expéditions à plusieurs. C’est le cas par exemple des photographies de tempêtes de Mitch DOBROWNER (1956-).

L’explorateur Timothy O’SULLIVAN

Timothy O’SULLIVAN (1840-1882) fut d’abord connu pour ses photographies de conflits armés, prises lors de la Guerre de Sécession (1861-1865). De 1867 à 1870, il participe à une mission d’exploration conduite par le géologue Clarence KING (1842-1901), le long du 40ème parallèle, entre la Sierra Nevada et les montagnes Rocheuses. Puis, de 1871 à 1873, Timothy O’SULLIVAN photographie le territoire américain à l’ouest du 100ème méridien (méridien situé au centre des États-Unis), en particulier à l’occasion d’une expédition menée par l’explorateur George WHELLER (1842-1905). Ces expéditions sont financées par l’armée et portent aussi bien sur la géologie, que la zoologie, la topographie du territoire ainsi que sur une reconnaissance des ressources minières.

Désormais célèbres, les photographies de Timothy O’SULLIVAN avaient pour vocation initiale de faire office de relevé et d’illustration des lieux explorés. Cependant, la puissance des sujets qu’il photographie font pencher ses œuvres vers une esthétique du paysage romantique, où la nature se déploie dans toute son immensité. S’il est improbable que Timothy O’SULLIVAN ait eu vent des peintures de Caspar David FRIEDRICH – auxquelles on peut être tenté de rapproché certaines de ses photographies – les peintres de l’Hudson river School et du mouvement Luministe sont alors célèbres aux États-Unis, leurs œuvres sont imprégnées par le romantisme européen. Les images d’O’SULLIVAN oscillent donc entre deux usages, et les historiens débattent toujours pour savoir si la visée d’O’SULLIVAN était scientifique ou artistique.

Timothy O’SULLIVAN, South side of Inscription Rock, 1873

Bradford WASHBURN : alpiniste et photographe

Bradford WASHBURN (1910-2007) est un photographe américain, à la fois explorateur et alpiniste. Avec sa femme Barbara WAHBURN (1914-2014), ils ont ensemble exploré et cartographié l’Alaska, en particulier le parc Denali (anciennement appelé parc du Mont McKinley). Non content d’ouvrir des voies en alpinisme et de réaliser les premières ascensions de plusieurs monts en Alaska, il a également photographié les paysages à couper le souffle qu’il explorait. Il était fasciné par le Yukon et l’Alaska, Bradford WASHBURN était attiré par ce nouvel endroit où tout restait à découvrir. Il l’explora ce territoire sans relâche entre 1930 et 1955.

Les photographies de Bradford WASHBURN étaient, comme celle de Timothy O’SULLIVAN, les à-côtés d’aventures beaucoup plus importantes que la seule prise de vue. WASHBURN a par exemple pris d’énormes risques en photographiant par avion dans des conditions périlleuses. Elles avaient pour but premier de topographier les lieux. WASHBURN fait figure de pionnier dans ce domaine, utilisant son appareil photo grand format dans des aéroplanes dont les portes avaient été enlevées. Son équipement et lui-même étaient accroché par des cordes afin d’éviter d’être aspirer à l’extérieur du véhicule. Ami d’Ansel ADAMS, dont on repère l’influence, les photographies de WASHBURN sont plus que de simples outils, on décèle aisément la maîtrise technique et l’art de la composition de celui-ci. Elles sont découvertes par le monde entier en 1990, lorsque Tony DECANAES exposa le travail d’une vie à la Panopticon Gallery de Boston.

Extrêmement modeste, Bradford WASHBURN considérait avant tout son travail dans l’enseignement des sciences comme le plus passionnant : « Le sommet du Mont McKinley était exaltant […] Mais il n’y a rien de plus passionnant sur terre que les yeux excités d’un gamin au moment où il découvre quelque chose ».

Bradford WASHBURN, Mt McKinley, Alaska, 1978

L’aventurier moderne Mitch DOBROWNER

Mitch DOBROWNER (1956-) est un photographe contemporain, il a reçu plusieurs prix important pour ses paysages où la nature occupe une place prépondérante. Mitch DOBROWNER parcoure les États-Unis en quête de paysages et de tornades. Les images sont si impressionnantes qu’en 2012, avant la publication des images par la revue National Geographic, l’éditeur lui demanda de voir les fichiers d’origine. Pourtant, pas le moindre photomontage. Mitch DOBROWNER brave les éléments pour réaliser ces formidables photographies. Chaque expédition est préparée, et il ne part jamais seul. Il voyage entre 10 et 15 jours, environ 3 ou 4 fois par ans, guettant les phénomènes climatiques.

Initié par le célèbre chasseur de tempête Roger HILL, Mitch DOBROWNER se passionnent pour l’aspect visuel et scientifique des tornades, supercellules orageuses et autres nuages titanesques. « Les tempêtes possèdes tellement d’aspects, de personnalités et de visages différents. Je suis en admiration lorsque je les regarde. Assister à ces instants incroyables me rend simplement heureux d’être là, photo ou pas photo » dit DOBROWNER.

L’importance qu’il donne à la prise de vue en fait, pour lui, une aventure : « toute la réalisation de la photographie me passionne. Je pense aller quelque part. Je conduis, prends l’avion, vais à l’hôtel ou campe à un endroit. Je ne sais pas ce que je vais y trouver. Je vois quelque chose, je prends une photographie, je la regarde, la note – Hey, ça semble bien. Je fais une impression, une autre qui est un peu mieux. Finalement une galerie la voit et quelqu’un l’achète pour beaucoup d’argent et c’est accroché chez eux. »

Head of Canyon de Chelle

Head of Canyon de Chelle

Timothy O'SULLIVAN - 1873
Shoshone Falls, Snake river, Idaho

Shoshone Falls, Snake river, Idaho

Timothy O'SULLIVAN - 1874
Tufa Domes, Pyramid Lake, Nevada

Tufa Domes, Pyramid Lake, Nevada

Timothy O'SULLIVAN - 1867
Twilight, Tokositna, Alaska

Twilight, Tokositna, Alaska

Bradford WASHBURN - 1978
Windstorm, Mt McKinley, Alaska

Windstorm, Mt McKinley, Alaska

Bradford WASHBURN - 1942
Mt McKinley & Wonder Lake, Alaska

Mt McKinley & Wonder Lake, Alaska

Bradford WASHBURN - 1953
Rope Out, Regan, North Dakota

Rope Out, Regan, North Dakota

Mitch DOBROWNER - 2011
Road, Oklahoma

Road, Oklahoma

Mitch DOBROWNER - 2009
Arm of God, Kansas

Arm of God, Kansas

Mitch DOBROWNER - 2009

Un espace à préserver

La vision d’un territoire à explorer s’incarne dans le concept d’american frontier : limite des zones de peuplement occidentales que les colons ne vont avoir de cesse de dépasser. Cette expansion conduit à porter sur l’Ouest, appelé tantôt Far West, tantôt Wild West ou encore Old West, un regard empreint de l’idée de « Destinée Manifeste ». Il s’agit de voir dans la conquête de l’Ouest plus qu’une mission, mais une destinée. Cette vision est soutenue par la conception qu’ont, à cette époque, les américains d’eux-mêmes : un peuple vertueux, aux institutions idéales, dont les valeurs sont appelées à être diffusées de par le monde. L’Ouest et ses paysages possèdent donc une symbolique forte.

Barbara NOVAK, spécialiste du paysage et des États-Unis explique que celui-ci devient progressivement un enjeu moral et politique. L’Ouest américain est intimement lié au paysage et à la notion de territoires. En effet, c’est par leur exploration et leur conquête que les États-Unis vont se constituer, aussi bien géographiquement que politiquement. Dans le paysage se projette alors la nation américaine toute entière. Il désigne à lui-seul les multiples destinés individuelles, agrégées les unes aux autres dans l’idée d’un « nous » américains.

Cette approche a depuis évoluée vers une volonté de préservation de cette nature, pour que les générations futures puissent s’y projeter à leur tour. Dans cette démarche, les photographies de paysages vont jouer un rôle majeur en sensibilisant les politiques américains. C’est en partie grâce à elles que les parcs nationaux américains voient le jour. La place particulière du grand Ouest, les prouesses des photographes, vont faire de la photographie un élément essentiel dans la sensibilisation à l’écologie.

Ansel ADAMS, Thunderstorm, Yosemite Valley, 1945

Carleton WATKINS le précurseur

Carleton WATKINS (1829-1916) nait en 1829 à Oneonta, petite ville de l’État de New York. D’une famille modeste, il part en 1851 pour San Francisco avec son ami Collis HUNTINGTON, dans l’espoir de trouver de l’or. Le destin en décida autrement. HUNTINGTON devint marchant et investit avec succès dans le domaine ferroviaire, tandis que WATKINS devint un célèbre photographe de paysages. Il commença à travailler en tant que photographe en 1854, au service du studio de Robert VANCE (1825-1876).

En juillet 1861 Carleton WATKINS se rendit dans le Parc du Yosemite équipé de deux appareils. Le premier, à double objectif, permet des vues stéréoscopiques, qui autorisent une vision en relief. Le second est une chambre photographique de grande taille, pouvant accueillir des plaques photographiques de 45 x 53 cm (18 x 21 inch). Il produit ainsi une trentaine de plaques qui firent sa réputation de paysagiste. WATKINS réalisa d’autres images du Parc du Yosemite en 1864, pour une mission géologique. L’ensemble de son travail sensibilisa le congrès américain en faveur de la préservation du parc. Ses images iconiques participèrent à l’avènement de l’écologie.

Carleton WATKINS, Pompompasos, The three brothers, Yosemite, 1865

Le peintre devenu photographe : William Henry JACKSON

William Henry JACKSON (1843-1942) part pour le grand Ouest en 1865, après la Guerre de Sécession. Il débute sa carrière de photographe peu de temps après. Il photographie les tribus indiennes et, en 1869, travaille au service de l’Union Pacific Railroad pour montrer l’avancée de la ligne ferroviaire vers l’ouest. Entre 1870 et 1873, William Henry JACKSON est le photographe de la mission géographique Hayden. À l’image d’O’SULLIVAN, William Henry JACKSON retranscrit toute la puissance de la nature dans ses photographies.

Ces photographies contribuent à souder le peuple américain, alors divisé par la guerre civile. Grâce à elles, le Yellowstone est classé parc national par le congrès dès 1872. L’œuvre de JACKSON est largement diffusée. Il fait partie de la génération des photographes expéditionnaires à laquelle appartient aussi O’SULLIVAN et Carleton WATKINS. Peintre émérite, il réalisa aussi des peintures de l’ouest américain.

William Henry JACKSON, Mountain of the Holy Cross, 1892

Faire de la photographie un art : Ansel ADAMS

Ansel ADAMS (1902-1984) est certainement l’un des plus célèbres paysagistes au monde, et probablement le photographe américain le plus connu. Fervent défenseur de l’écologie, il rejoint le Sierra Club à 17 ans, un groupe dédié à la protection de l’environnement. Il est engagé comme garde-forestier d’été du parc Yosemite, lieu qu’il n’aura de cesse de photographier, réalisant ainsi quelques-unes des plus célèbres photographies de paysage. Ses travaux autour du parc du Yosemite ont d’ailleurs contribué à son agrandissement.

Ansel ADAMS a également apporté énormément à la photographie. Il inventa le Zone System, une technique de gestion de l’exposition des négatifs. Avec Edward WESTON, il est également un des fondateurs du groupe f/64. Ce groupe est créé en 1932 à San Francisco, il promeut une vision artistique de la photographie et défend les principes de la photographie pure (Straight Photography) : absence de retouche, reproduction précise de la réalité et grande netteté de l’image.

El Capitan

El Capitan

Carleton WATKINS - 1865-66
Yosemite Valley

Yosemite Valley

Carleton WATKINS - 1866
The Sweetwater River

The Sweetwater River

William Henry JACKSON - 1870
Mammoth hot springs

Mammoth hot springs

Carleton WATKINS - 1872
The Tetons and the Snake River

The Tetons and the Snake River

Ansel ADAMS - 1942
Jeffrey Pine, Sentinel Dome

Jeffrey Pine, Sentinel Dome

Ansel ADAMS - 1940
Mount Williamson, Sierra Nevada

Mount Williamson, Sierra Nevada

Ansel ADAMS - 1944

Au-delà de l’horizon : le ciel

La photographie de paysage doit composer entre la Terre et le Ciel. Certains photographes n’ont pas hésité à donner la part belle aux nuages. Dans une certaine mesure, cet espace hors d’atteinte, continue l’Ouest américain vers un au-delà à parcourir. Les inventeurs américains, avec en particulier les frères WRIGHT (pionniers de l’aviation), ont été parmi les plus importants contributeurs à sa conquête. Cela passa d’abord par l’aviation, puis, à partir des années 1960, par la course à l’espace, dont les États-Unis sortent vainqueurs. Le ciel peut donc être perçu comme appartenant au paysage américain, tout en étant, de manière plus générale, la prolongation naturelle du paysage. Rappelons que dans les arts, le ciel a bien souvent été un espace de projection. L’individu le contemple, lui et les éléments qui le composent. Que ce soit les nuages chez René MAGRITTE (1898-1967) ou la Lune chez les peintres romantiques.

Les nuages, miroirs intérieurs chez Alfred STIEGLITZ

Alfred STIEGLITZ (1864-1946) fonde en 1902, avec Edward STEICHEN (1879-1973), Clarence H. WHITE (1871-1925) et Alvin Langdon COBURN (1882-1966), la Photo Secession, un mouvement photographique proche du pictorialisme. L’ambition est dès ce moment d’élever la photographie au rang d’art. À partir des années 1910, Alfred STIEGLITZ défend l’approche de la Straight Photography, où toute manipulation du négatif ou du tirage est proscrite. L’accent est mis sur un rendu net, précis et réaliste des photographies. Ce sont ces principes qui seront par la suite érigés en règles par Ansel ADAMS et le groupe f/64.

En 1923 Alfred STIEGLITZ débute l’une de ses séries les plus novatrices : « Equivalents ». Il souhaite alors retranscrire ses émotions en photographiant des structures de nuages. La photographie tend vers l’abstraction, donnant à voir l’état d’esprit de l’artiste. STIEGLITZ désirait que les photos de cette série fonctionnent comme des morceaux de musique, sans formes figuratives et néanmoins capables d’évoquer un éventail de sentiments.

Alfred STIEGLITZ, Equivalent, 1929, tirage gélatino-argentique, 11,9 x 9,3 cm, New-York, MoMA.

Apprendre à regarder autrement avec Minor WHITE

Minor WHITE (1908-1976) est perçu comme un héritier de la Straight Photography, défendue par ses aînés : Edward WESTON et Ansel ADAMS pour ne citer qu’eux. Cependant, Minor WHITE évolue dans l’après-guerre. Tandis que la génération précédente s’est constituée comme garante du modernisme, Minor WHITE est conduit à élaborer une autre approche car la guerre a poussé à réévaluer le mythe de la modernité. Derrière une certaine orthodoxie de la technique, répondant toujours aux critères de la Straight Photography, il explore des chemins de traverse.

Minor WHITE, comme Alfred STIEGLITZ, croit en la dimension métaphorique de la photographie et en sa capacité à transmettre l’expressivité de l’auteur. Une des injonctions de l’artiste était de « regarder les choses pour voir en quoi elles sont autres ». Il y a dans les paysages de Minor WHITE cette dimension quasi-mystique. Il emploie d’ailleurs des films infrarouges pour réaliser plusieurs paysages, illustrant ainsi symboliquement l’idée de regarder au-delà de ce qui est représenté.

Les ciels turbulents de Mitch DOBROWNER

Mitch DOBROWNER a lui aussi porté son regard vers le ciel. Il perçoit les orages comme de véritables organismes vivants. Pour lui, les tempêtes ont des caractères qui leurs sont propres. Il leur consacre une place spécifique dans son œuvre depuis 2008. Toutes les photographies de ciels de Mitch DOBROWNER ne sont pas violentes. Certaine sont lourdes, nous ressentons toute la pesanteur de l’orage, d’autres sont prises vers la fin du phénomène, permettant d’ouvrir l’image sur un ciel où les rayons du soleil commencent à percer. Il n’hésite pas à user de l’infrarouge, comme Minor WHITE, photographe qu’il cite parmi les maîtres qui l’ont conduit à explorer ce médium.

Equivalents, 1923

Equivalents, 1923

Alfred STIEGLITZ - 1923
Equivalent, 1926

Equivalent, 1926

Alfred STIEGLITZ - 1926
Equivalent, 1930

Equivalent, 1930

Alfred STIEGLITZ - 1930
Two Barns and Shadow

Two Barns and Shadow

Minor WHITE - 1955
Mammatus

Mammatus

Mitch DOBROWNER - 2011
Landspout

Landspout

Mitch DOBROWNER - 2014
Vapor Cloud

Vapor Cloud

Mitch DOBROWNER - 2009